L’émigration, l’exil, l’immigration, le déracinement, voici quelques mots qui parleront à certains d’entre vous. Ces mots ne sont pas nouveaux dans l’histoire humaine. Depuis des millénaires, l’homme s’est déplacé, a voyagé, a construit sa famille parfois bien loin de son lieu de naissance.
Pour exemple, je suis issue d’un père belge et d’une mère portugaise et je vis en Angleterre avec un alsacien. Mon frère a épousé une slovaque, mon fils une brésilienne et ma fille aînée a un enfant avec un libanais qui lui a des origines arméniennes.
Il y a quelques années, j’ai eu l’occasion d’animer des ateliers de kinésiologie et de constellations familiales à Lanzarote. Cette île fait partie de l’archipel des Canaries et se situe à 100 km d’Agadir sur la côte marocaine.
Lors de mes différents séjours, j’ai été impressionnée par la diversité des origines des habitants de cette toute petite île. Il y avait effectivement des personnes du monde entier dont des réfugiés clandestins qui avaient fui le Maroc sur des petits bateaux de pêche.
Fuir pour survivre.
Ces réfugiés avaient fui leur pays pour des raisons si importantes qu’ils les avaient mises en balance avec la mort. Imaginez un peu l’impact émotionnel d’une telle décision.
Pour la plupart des personnes, le pays, la région, la ville ou le village représentent la protection et la sécurité. Aussi, il faut de bonnes raisons pour partir et quitter un endroit où nous sommes nés, où nous avons grandi, où nous avons aimé, et où nous sommes entourés.
Les raisons positives qui peuvent nous pousser à partir auront un lien avec la curiosité, et l’envie de découvrir le monde.
Mais combien de personnes à travers le monde doivent partir de chez elles car il n’y a plus de place pour elles. La nature est devenue hostile, la guerre a tout détruit, ou la dictature a réduit la liberté. La vie est devenue impossible et il ne reste, pour certains, plus qu’une solution, partir.
«Partir c’est mourir un peu»
Lorsque nous devons quitter notre famille, notre pays pour aller vers l’inconnu, là où l’on parle une autre langue, où l’on pratique d’autres cultes, où l’on mange d’autres aliments, il y a un déchirement qui se produit dans notre coeur.
Notre pays pourrait être assimilé symboliquement à une mère, ou à un père selon les cultures. Dans certains pays, comme la France, on dit la mère Patrie. Etymologiquement le mot patrie vient du latin patria, patrie, et de pater, qui signifie père.
N’est-il pas étonnant qu’en France, le mot «mère» précède le mot «patrie» ce qui symboliquement représente le couple. Les citoyens sont en quelque sorte les enfants de la mère patrie.
Aussi lorsque nous devons quitter notre pays car notre vie y est en danger ou que l’on ne peut plus décemment continuer à y vivre pour des raisons économiques, politiques ou environnementales, nous pouvons ressentir une forme de rejet, d’abandon, de trahison qui va avoir un impact sur notre mémoire cellulaire de la part de parent symbolique, et qui va programmer notre ADN sur plusieurs générations. Parfois cette information vient résonner avec des mémoires plus anciennes d’abandon, ou de rejet, et l’amplifie ainsi.
Le processus de deuil.
Grâce à Elizabeth Kübler-Ross, nous connaissons les 5 étapes du deuil.
Rapidement, revoyons-les:
- Tout d’abord, il y a un refus, un déni face à la situation. Les émotions sont quasi absentes. Habituellement cette phase est courte mais lorsque la situation impose l’émigration, les choses sont un peu différents. Certaines personnes peuvent restées bloquées à vie dans cette étape et ainsi continuer à vivre comme au pays et cela toute leur vie. J’en connais même qui n’ont jamais appris la langue du pays.
- Ensuite, la colère arrive lorsque la personne réalise qu’elle est impuissante face à la situation. Elle ne peut pas changer le climat, l’état de guerre, où s’opposer et se faire entendre par le dictateur. Dans certains cas, une culpabilité peut naître qui se traduira par le sentiment d’avoir abandonné sa famille juste pour sauver sa peau. J’ai connu une famille vietnamienne ( rescapée des Boat-people) dont le père continuait de militer pour un changement politique après plus de 20 ans. Tout son être sauf son corps physique était resté au Vietnam.
- Puis vient le marchandage. La personne essaye de négocier de nouveaux droits. C’est à ce moment, que certains ressortissants tentent de garder la nationalité de leurs origines tout en adoptant la nationalité du pays d’accueil. Ils font tout ce qu’ils peuvent pour garder quelque chose de leur pays d’origine.
- Après cette étape, vient la dépression ou la tristesse. C’est l’étape où la personne réalise que plus rien ne sera comme avant. Pour ceux qui sont partis de leur pays, certains réalisent qu’ils ne pourront pas revenir chez eux pour mourir. Ils ne pourront pas être enterrés près de leurs proches. Leurs enfants sont perçus comme des étrangers par la famille qui est restée au pays.
- Le dernier stade du processus de deuil est l’acceptation. Quand l’acceptation est faite, nous pouvons voir des familles bien intégrées dans leur pays d’adoption. Malheureusement, beaucoup de familles n’acceptent jamais la situation et donc ne peuvent plus recevoir ce que leur pays peut leur donner et rejettent ce que le pays d’accueil leur offre. Ils deviennent des sortes d’ «apatrides» qui vivent en dehors du temps. J’ai connu des familles marocaines et turques qui continuaient de vivre comme si le calendrier s’était arrêté le jour où ils avaient dû partir et n’arrivaient pas à se faire à l’idée que leur pays avaient continué d’évoluer en leur absence. Ils étaient suspendus dans le temps.
Marco, enfant de l’exil politique.
Il y a quelques années, j’ai reçu un jeune homme d’origine andalouse qui souffrait d’une phobie du téléphone apparue quelques mois plutôt.
Il m’explique que ses parents espagnols avaient émigré lors de la dictature de Franco et étaient venus s’installer en Belgique en attendant que la situation s’améliore. Le père, bon mécanicien ouvre son garage, et la mère s’occupe des enfants. La mère n’a jamais appris le français puisqu’elle attendait leur retour au pays. Marco a dû très jeune prendre le relais pour toutes les démarches administratives, et entre autres téléphoner. A l’école il était bon élève mais souffrant d’une dyslexie, il ne prenait jamais de notes et retenait tout par coeur. Plus tard il est devenu architecte de jardin sans quasiment prendre de notes écrites.
Nous avons alors mis en place son système. Celui-ci a fait apparaître que le père souffrant gravement du coeur était tourné vers l’Espagne ( Marco me signale alors que son père investissait tout ce qu’il pouvait dans l’achat de terrains, de maisons et d’appartements dans son pays), vers sa famille et qu’il n’arrivait pas à être présent en Belgique. Son coeur était resté en Andalousie et c’était usé. Marco manifeste une très grande loyauté envers l’Espagne, ce qui d’ailleurs l’empêche de s’engager avec son amie. Toute la famille était très en colère contre l’Espagne. Je fais exprimer cette colère et ses ressentiments. Après avoir repris sa place en tant que fils et petit-fils, et en laissant les histoires du passé auprès des ancêtres, Marco a pu reconnaître sa loyauté envers l’Espagne et sa gratitude envers la Belgique. Tout le système s’est mis à respirer et à se sentir léger. Un mois plus tard, Marco est revenu pour me dire que sa phobie avait disparu et qu’il allait emménager avec son amie.
L’exil laisse des traces qui peuvent être effacées.
Devoir partir pour sauver sa peau laisse des traces qui seront plus ou moins profondes selon les personnes et leur histoire.
Tant que l’exilé ne peut pas faire la paix avec ses racines, avec son pays d’origine, il ne peut pleinement recevoir ce que le pays d’accueil a à lui offrir.
Le processus des Constellations Familiales permet dans un premier temps d’exprimer les émotions qui se sont figées lors de la migration dans l’inconscient familial mais aussi du groupe auquel appartient la famille . Les descendants restent loyaux à leurs racines alors qu’ils se sentent des étrangers quand ils reviennent dans la famille. Ces loyautés inconscientes activent des colères, des comportements de sabotages, et une difficulté à s’intégrer. Nous avons pour preuve les banlieues pleines d’enfants de deuxième et troisième générations suspendues entre deux cultures, deux loyautés, et deux époques.
Dans un deuxième temps, le travail des Constellations permet de reprendre sa place, d’accepter le destin contre lequel on ne peut rien faire et de recevoir tout ce que le pays d’accueil a donné pendant de nombreuses années. L’exilé retrouve alors la paix, et ses descendants peuvent accepter de vivre sur une autre terre sans devoir la rejeter par loyauté ou par culpabilité.
Si cet article vous a touché, sachez qu’un atelier sur ce thème se donnera les 5 et 6 juillet à Paris.
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